La disparition du Premier Ministre : conséquence ultime d’un présidentialisme exacerbé 

Par Pierre Avril

<b> La disparition du Premier Ministre : conséquence ultime d’un présidentialisme exacerbé  </b> </br> </br> Par Pierre Avril

Le président de la République a réuni à l’Elysée, le 22 juin, les représentants des groupes politiques de la nouvelle législature pour les sommer de faire connaître sans tarder la position qu’ils comptaient prendre face aux problèmes urgents que posait la situation. Il rappelait à cette occasion le mandat qu’il avait reçu du peuple français qui l’avait réélu le 24 avril. La majorité présidentielle ne disposant plus à l’Assemblée nationale que d’une majorité relative, il fallait donc que d’autres groupes y apportent leur contribution ; il leur appartenait de préciser, ‘’en toute transparence’’, leurs intentions, et donc la responsabilité qu’ils devaient assumer devant ledit peuple français. Réponse attendue à son retour du Conseil Européen où il est parti présider l’Union européenne.

 

Cette fois, le Premier ministre a totalement disparu !

 

La captation (comme l’appelle Armel Le Divellec) de la direction du gouvernement par le Président avait pu, un peu acrobatiquement, se rattacher à la présidence du conseil des ministres qu’il exerce en vertu de l’article  9 C. Mais les rapports avec le Parlement paraissaient rester l’exclusivité du Gouvernement et du Premier ministre  (l’attestent les vicissitudes de l’innovation introduite en 2008 à l’article 18 C permettant les déclaration devant le Congrès à Versailles). 

 

‘’Eh bien, si je ne peux venir à lui, qu’il vienne à moi !‘’ décide le président Macron, à l’inverse de Lagardère, en convoquant les représentants des groupes pour les mettre devant… leurs responsabilités !  Génial renversement de la situation ? (Raymond Aron dirait : ultimatum du faible au fort). En réalité ultime escamotage de la responsabilité politique sous la Ve République. Celle du Gouvernement devant le Parlement avait été oblitérée par la convention sur la responsabilité non écrite du Premier ministre devant le Président, mais la fiction en était entretenue par les articles 20 et 49 C. Aujourd’hui, le Président pose directement la question de confiance aux députés, et il les renvoie, en guise de déclaration de politique générale, à son programme électoral – ratifié par le vote populaire le 24 avril, celui du 19 juin ne saurait le remettre en cause.

 

J’ajoute qu’une telle boulimie présidentielle m’a toujours paru dans les gènes du régime pour deux raisons : la prééminence sur les législatives de l’élection présidentielle tenue pour attribuant le Pouvoir de l’Etat au Président, et sa conséquence logique : il est censé intervenir partout lorsque cette prise en charge globale du Pouvoir lui paraît réclamer qu’il se saisisse du problème en débat. Et l’appétit vient en mangeant. Après le gouvernement, puis le Parlement, il reste l’Administration, colonne vertébrale de l’Etat, qui est  en cours de  desossement avec la suppression des grands corps qui la rendra plus digestible par la gouvernance de la start up France que les principes obsolètes du service public.

 

 

Pierre Avril

 

Crédit photo: Guilhem Vellut, CC-BY-2.0