Jusqu’où iront les syndicats de magistrats ? À propos de la plainte pénale devant la Cour de justice de la République contre le Garde des Sceaux

Par Olivier Beaud

<b> Jusqu’où iront les syndicats de magistrats ?  À propos de la plainte pénale devant la Cour de justice de la République contre le Garde des Sceaux </b> </br> </br> Par Olivier Beaud

Le présent article naît de l’étonnement de l’auteur devant l’absence de réaction à une « première » dans l’histoire de la Ve République : une plainte pénale déposée par deux syndicats de magistrats contre l’actuel Garde des Sceaux. Une telle initiative, fort hardie, apparaît pourtant comme bien peu fondée au regard du cas d’espèce. Elle illustre, en outre et surtout, une tendance préoccupante d’une partie non négligeable de la magistrature à usurper une fonction politique de contrôle des gouvernants.

 

The present article is born out of the author’s astonishment at the lack of reaction to a « first » in the history of the Fifth Republic: a criminal complaint filed by two magistrates’ unions against the current Minister of Justice. Such an initiative, however, seems to have little basis in the present case. Moreover and above all, it illustrates a concerning tendency on the part of a non-negligible part of the judiciary to usurp a political function of control of the government. 

 

Par Olivier Beaud, Professeur de droit public à l’Université de Paris II

 

 

On a appris le 17 décembre 2020 que deux syndicats de magistrats, l’Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature, avaient déposé une plainte pénale devant la Cour de justice de la République contre l’actuel Garde des Sceaux, M. Dupond-Moretti. Les syndicats lui reprochent d’avoir commis une prise illégale d’intérêts pour avoir saisi l’Inspection générale de la Justice (IGJ) afin de mener une enquête sur des membres du Parquet national financier. Afin de justifier cette action exceptionnelle, la présidente du Syndicat de la Magistrature est même allée jusqu’à dire que le ministre aurait « cherché à se faire justice lui-même ». 

 

L’affaire est d’importance puisque c’est la première fois que de tels syndicats attaquent au pénal le Garde des Sceaux. Il s’agit donc d’une « plainte inédite »[1], pour user d’un euphémisme, bien qu’elle soit passée relativement inaperçue dans les médias ; elle n’a pas fait la « Une » des journaux, ni de la télévision, ni de la radio, ni alimenté la sphère des réseaux sociaux. On a presque l’impression que tout le monde estime quasiment normal que des magistrats s’attaquent ainsi à « leur » ministre. Quelques journaux, à peine, ont relevé que ce nouvel épisode constituait une « nouvelle surenchère »[2] de la part des syndicats de magistrats dans le combat qu’ils mènent contre la personne même de M. Dupond-Moretti.

 

Il est surtout surprenant que personne n’ait critiqué cette initiative des syndicats de magistrats qui s’adressent à la justice pour attaquer pénalement le Garde des Sceaux. Il faut que les hommes et femmes politiques aient bien peur du Parquet et des juges pour qu’ils n’osent même plus réagir à une telle surenchère. Quant aux avocats, ils sont restés pour l’instant silencieux. C’est ce silence, un peu consternant, qui nous incite à prendre la parole en tentant de montrer l’inanité d’une telle action pénale et son caractère plus que problématique au regard des principes d’une démocratie sainement constituée. Il s’agit ici non pas de défendre de manière cryptée, tel ou tel protagoniste de ces procès, mais plutôt de tenter de rappeler des principes qui doivent toujours s’appliquer, indépendamment de la couleur politique des acteurs concernés. C’est aussi simple que cela, mais on a la faiblesse de penser que la mission des professeurs d’université, quand ils sont indépendants, consiste précisément à rappeler l’existence de ces principes, quitte à déplaire à certains.

 

 

I – « L’enquête parallèle » du PNF : de bien curieuses méthodes

Pour que les personnes qui n’ont pas suivi cette affaire en comprennent la teneur, il faut brièvement rappeler les faits. Ils se rattachent à l’affaire dite des « écoutes », du nom de ce procès, qui a eu lieu la semaine dernière, et qui mettait en cause l’ancien président de la République, M. Sarkozy, son avocat, Me Thierry Herzog, ainsi qu’un magistrat, Gilbert Azibert. Il s’agit de l’un des volets d’une affaire bien plus large, dite du « financement libyen » de la campagne présidentielle de 2007. À l’occasion de ce volet « monégasque » de cette méga-enquête[3], les magistrats du Parquet national financier (PNF) étaient persuadés qu’il y avait une « taupe » à l’intérieur de la magistrature qui renseignait les prévenus. Pour tenter de l’attraper, ils ont utilisé des « fadettes » (relevés téléphoniques) et ont « géolocalisé » des avocats. Parmi eux, se trouvaient divers ténors du barreau, tels que Me Dupond-Moretti et bien d’autres, dont le seul tort fut d’entretenir des relations amicales ou professionnelles avec Me Herzog. Le problème, si l’on peut dire, tient au fait que les magistrats en question ont mené cette « enquête parallèle »[4] en toute confidentialité, sans même la signaler à leur hiérarchie et sans la joindre au dossier principal. Apprenant qu’ils avaient été ainsi « espionnés » par le PNF, les avocats concernés ont tonné contre l’abus de pouvoir manifeste des magistrats et la négation de leurs droits les plus élémentaires.

 

Devant le tollé provoqué par ces révélations sur les bien curieuses pratiques du PNF, l’ancien Garde des Sceaux, Mme Belloubet, a saisi l’Inspection générale de la Justice. Celle-ci a rendu un long rapport soulignant une série de dysfonctionnements préoccupants du PNF, mais qui n’établit pas l’illégalité de l’enquête[5]. Les syndicats de magistrats s’appuient sur ce passage du rapport pour défendre leurs collègues, mais ce passage est justement discutable, en droit, car comme on a pu le souligner ailleurs[6], endosser un tel point de vue signifierait que le secret professionnel des avocats serait bien moins protégé que le secret des sources des journalistes. Quoi qu’il en soit, on invite le lecteur profane à lire ce rapport pour qu’il sache comment fonctionne en France le PNF. Il se fera lui-même une idée, assez éloignée de ce qu’écrivent les syndicats de magistrats. Le même lecteur y apprendra en outre que l’ancienne responsable du PNF, Mme Houlette, partie à la retraite, et qui n’avait pas été tenue au courant de cette « enquête dans l’enquête », n’a pas cru bon de témoigner devant cette mission d’inspection, sans que personne ne s’en formalise[7]

 

Pour quiconque découvre cette affaire, sans préjugé de caste ou de classe, M. Dupond-Moretti y apparaît principalement comme une victime. Il s’est fait espionner par le PNF pour la seule raison qu’il était ami avec son confrère, Me Herzog. Il n’avait rien à voir avec l’affaire dite « des écoutes ». On comprend un peu sa colère et le fait qu’il a tenu à porter plainte dans cette affaire. Devenu entre-temps Garde des Sceaux – le 6 juillet 2020 –, il a renoncé à sa plainte. Mais de victime, il est subitement devenu l’accusé principal, un potentiel délinquant – aux yeux des syndicats de magistrats – au motif qu’il aurait osé diligenter une enquête administrative contre les magistrats concernés du PNF, une fois qu’il eut pris connaissance du rapport de la mission d’inspection (commandé par son prédécesseur), dont on vient de voir qu’il était plutôt accablant pour le PNF. On signalera en passant qu’en juillet 2020, les syndicats de magistrats, déjà très remontés, avaient essayé de bloquer cette inspection demandée par Mme Belloubet, le 1er juillet, en recourant à un référé-suspension devant le Conseil d’État afin d’empêcher l’exécution de cette décision. Dans son Ordonnance du 27 juillet 2020[8], la haute juridiction administrative a eu l’habileté de déclarer irrecevable cette demande pour défaut d’intérêt à agir. Mais comme on l’a vu, les magistrats en colère ont continué leur combat.

 

C’est ici qu’intervient un épisode d’une très grande portée. Le 27 septembre 2020, les deux plus hauts magistrats de France, le premier président de la Cour de cassation (Mme Arens) et le procureur général de la Cour de cassation (M. Molins) – qui président chacun la formation correspondante du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) – ont, dans une vigoureuse tribune, critiqué le ministre de la Justice. Ils ont tiré prétexte de certains propos de M. Dupond-Moretti sur l’ENM – propos, il est vrai à l’emporte-pièce – pour reprendre à leur compte l’antienne selon laquelle le Garde des Sceaux serait pris dans un conflit d’intérêts. Ils ont ainsi soutenu que l’enquête administrative qu’il avait diligentée était une « atteinte portée au principe de présomption d’innocence des magistrats concernés »[9]. Peu de gens ont relevé le caractère assez invraisemblable de l’attaque directe menée par les deux plus hauts magistrats de France contre le ministre et la confusion entre procédure disciplinaire et procédure pénale. On comprend que les syndicats de magistrats se soient sentis pousser des ailes après une telle prise de position publique de Mme Arens et de M. Molins.

 

Ils ont été, en outre, confortés dans l’idée qu’ils avaient raison de crier au conflit d’intérêts lorsque la Haute Autorité pour la Transparence et la Vie Publique (HATVP) qui a écrit début octobre 2020 au Garde des Sceaux pour obtenir des précisions sur la manière dont il se serait organisé pour éviter de « possibles conflits d’intérêts » dans ses nouvelles fonctions[10]. Elle a donc repris à son compte cette idée d’un conflit d’intérêts dans lequel le ministre se trouverait, oubliant opportunément l’origine de ce prétendu conflit – lequel a bel et bien été imposé par la fameuse « enquête parallèle » du PNF.

 

Cette attaque multiforme contre le ministre de la justice a conduit le pouvoir exécutif à prendre une décision inusuelle : désormais, en application d’un décret du 23 octobre 2020, c’est le Premier ministre qui prend les décisions à la place du ministre de la justice. Ce dernier, lit-on, ne connaît pas « des actes de toute nature […] relatifs à la mise en cause du comportement d’un magistrat à raison d’affaires impliquant des parties dont il a été l’avocat ou dans lesquelles il a été impliqué ». Il en va de même « des actes […] relevant des attributions du garde des sceaux, ministre de la justice, relatifs à des personnes morales ou physiques ayant engagé des actions notamment judiciaires contre lui en sa qualité de ministre ou d’avocat ; des rapports particuliers mentionnés au 3e alinéa de l’article 35 du code de procédure pénale [des remontées d’information] à propos d’affaires dont il a eu à connaître en sa qualité d’avocat ou dont le cabinet Vey [anciennement Dupond-Moretti & Vey] a à connaître. »[11] Notons seulement en passant que l’on transpose ainsi sans coup férir les règles applicables à la justice, avec le principe d’impartialité, dans la sphère de l’action gouvernementale sans que personne ne s’émeuve de cette prétendue assimilation de la direction d’un ministère à l’exercice d’une fonction juridictionnelle. Tout cela a donc débouché sur la plainte pénale déposée par les deux syndicats.

 

 

II – Une plainte pénale incompréhensible au regard du procès des écoutes devant le tribunal correctionnel

La chronologie ne laisse pas d’étonner. Ces deux syndicats ont déposé leur plainte pénale alors que « le procès des écoutes » venait juste de s’achever. Or, qu’a-t-on appris lors de ce procès spectaculaire ? Les chroniqueurs judiciaires[12] qui l’ont suivi ont estimé que le dossier d’accusation paraissait plutôt fragile. L’accusation portée par le PNF d’un prétendu pacte de corruption et d’un prétendu trafic d’influence s’est avérée au fur et à mesure du déroulement des audiences d’une certaine inconsistance. Le chroniqueur du Figaro en fut tellement estomaqué qu’il a publié un billet sévère sur l’action du Parquet qui – écrit-il – n’a pas « été franc dans cette affaire », ce qui lui permet de poser une question dérangeante : « Qui a infligé le plus grand camouflet à l’État de droit ? »[13]. Quant à l’avocate de M. Sarkozy, Me Laffont, elle a, dans sa plaidoirie, répondu au chef du PNF, qui était venu défendre ses troupes à la barre, « qu’un procès […] ne doit pas être un acte de vengeance institutionnelle[14] ». Certains avocats se sont d’ailleurs émus de la façon dont avait travaillé le PNF dans cette affaire. Appelé comme témoin, Me Henri Leclerc, qui achève sa carrière, a vigoureusement défendu le secret professionnel des avocats. Quant à Me Soulez-Larivière, il tire d’un tel procès la triste leçon que les réquisitoires du Parquet dans ce procès des écoutes resteront « dans l’histoire judiciaire française une flétrissure »[15]. Selon nous, il ressort de la lecture des comptes-rendus d’audience — qu’on espère avoir fait en qualité d’observateur impartial — que ce procès fait à l’ancien président de la République et ses acolytes était disproportionné et probablement inopportun[16].

 

En tout cas, on aurait pu croire que les magistrats allaient faire « profil bas », tant l’image du PNF ressortait écornée d’un tel procès, encore plus écornée qu’après la lecture du rapport précité de l’Inspection générale de la Justice. Grave erreur car les syndicats de magistrats ont même radicalisé leur action en attaquant, cette fois au pénal, le Garde des Sceaux. Mais ce faisant, ils donnent la fâcheuse impression d’être solidaires avec les magistrats du PNF dont l’enquête parallèle fut pourtant autant malencontreuse que critiquable.

 

 

III – La dimension constitutionnelle de cette conception extensive du conflit d’intérêts

Tentons d’envisager la dimension constitutionnelle de cette plainte. Si l’on prend au sérieux le raisonnement des deux syndicats de la magistrature, il faudrait considérer que dès lors qu’un ministre se trouve en situation de conflit d’intérêts et, quelle que soit la raison de sa survenue, il devrait démissionner de sa fonction de ministre, sauf à prendre le risque d’une plainte au pénal pour prise illégale d’intérêts. M. Dupont-Moretti n’aurait jamais dû devenir ministre de la justice parce qu’il était impliqué, bien malgré lui, dans cette affaire où le PNF l’a arbitrairement « espionné ». Cela revient donc à inventer une cause nouvelle d’incompatibilité en raison d’un prétendu conflit d’intérêts.

 

Or les incompatibilités ministérielles sont d’ordre constitutionnel. Elles sont fixées par l’article 23 de la constitution qui pose le principe de l’incompatibilité entre fonction ministérielle et d’une part « l’exercice d’un mandat parlementaire », ainsi que, d’autre part, « l’exercice de (..) toute fonction de représentation à caractère national, de toute emploi public ou de toute activité professionnelle ». On sait que le premier type d’incompatibilité place la France dans une position singulière parmi tous les régimes parlementaires. Elle est même assez absurde du point de vue de la logique parlementaire, comme Pierre Avril n’a cessé de le clamer, mais le Général de Gaulle y tenait absolument, ce qui témoignait davantage de son aversion envers les partis politiques que de sa lucidité constitutionnelle. Quant au second type d’incompatibilité, il s’agit des incompatibilités dites « professionnelles » : elle visent à éviter que la subordination hiérarchique inhérente à la fonction publique ou bien l’existence d’« intérêts privés » viennent parasiter la fonction ministérielle. C’est en application de cette règle que M. Dupont-Moretti a renoncé à exercer son ancienne fonction d’avocat pour devenir Garde des Sceaux. Jusqu’à preuve du contraire, il a bien respecté l’article 23 de la constitution.

 

En effet, que l’on sache, l’incompatibilité pour cause de conflit d’intérêts ne figure pas dans la Constitution et il n’est pas permis à la justice, ni aux syndicats de magistrats, si éminents soient-ils, de créer une nouvelle incompatibilité car ils ne font pas office – ou pas encore – de pouvoir constituant dérivé. En outre, comme toute restriction à une liberté, les incompatibilités doivent être interprétées restrictivement. Par conséquence, on ne saurait en étendre le nombre par voie d’interprétation. Si les magistrats et si la HATVP veulent étendre l’emprise du conflit d’intérêts aux fonctions ministérielles, alors il faut qu’ils demandent une révision de la constitution. Le droit constitutionnel faisant ainsi échec à leurs points de vue, les magistrats ont donc opté pour la voie pénale. Si l’on voulait les taquiner, on pourrait d’ailleurs leur demander si les magistrats travaillant à la Cour de Justice de la République qui vont peut-être instruire et, le cas échéant, juger la plainte contre M. Dupond-Moretti ne seraient pas soumis à un beau cas de conflit d’intérêts, en particulier si l’on venait à découvrir – sait-on jamais ? – que l’un d’entre eux, membre de la commission d’instruction ou de la juridiction de jugement, appartenait ou avait appartenu à l’un des deux syndicats !…..

 

On peut ajouter, à l’endroit des syndicats de magistrats, une autre leçon de droit constitutionnel. En déposant une plainte au pénal contre l’actuel Garde des Sceaux, en lui demandant de rendre des comptes sur son obstination à rester ministre dans de telles circonstances, les syndicats de magistrats tendent, d’une certaine manière, à se substituer au Parlement en s’efforçant de contrôler le ministre de la justice. Mais ils semblent oublier la fragilité de leur position de départ. Comme on l’a vu plus haut, le PNF a mal agi dans cette affaire de « fadettes » et de « géolocalisation des avocats » et il est tout à fait légitime que le garde des Sceaux, par devoir d’office, demande des comptes à ces magistrats et initie éventuellement une procédure disciplinaire à leur égard. Le fait qu’il a été une victime de cet abus de pouvoir ne doit pas le rendre impotent car, devenu ministre, il doit défendre l’État de droit, et rappeler le cas échéant aux magistrats que, soumis eux aussi au droit et à la déontologie professionnelle, ils doivent répondre de leurs manquements dans l’exercice de leurs fonctions. Si le ministre de la Justice n’agissait pas ainsi, les parlementaires, qui sont censés contrôler le pouvoir exécutif pourraient lui demander raison de son inaction.

 

M. Dupond-Moretti se devait donc d’agir, n’en déplaise aux syndicats de magistrats qui succombent au pire des travers : le corporatisme judiciaire dont on sait qu’il est en France virulent et qu’il a été renforcé par les récentes réformes du CSM. On a l’impression que, désormais, certains syndicats de magistrats et les plus hauts magistrats, agissent et pensent comme si la justice était « un État dans l’État ». Par-là, ils confortent, sans peut-être s’en rendre compte, les critiques récurrentes que de Gaulle adressait à la « féodalité judiciaire ». Ils oublient surtout, par la même occasion que la justice devrait être d’abord et avant tout « l’affaire des citoyens »[17]. Enfin, ils donnent l’image d’une magistrature agissant en corps qui, sous couvert du droit pénal, s’attache désormais à contrôler politiquement l’exécutif et notamment le ministre de la justice. Est-il nécessaire aujourd’hui de rappeler que « l’autorité judiciaire » dont fait mention l’article 64 de la Constitution, n’est pourtant pas une autorité politique ?

 

 

***

 

Voilà en tout cas ce qu’il conviendrait d’objecter à tous les magistrats qui soutiennent soit les actions des syndicats, soit les propos des plus hauts responsables judiciaires. Il nous semble en effet salutaire de leur indiquer qu’ils se sont, à notre avis, lancés, un peu inconsidérément, dans une attitude de fronde systématique à l’égard du pouvoir politique. Cela devrait légitimement inquiéter les citoyens – toutes tendances politiques confondues justement – et les faire davantage réagir.

 

 

 

 

[1] J. B. Jacquin, « Plainte inédite des syndicats de magistrats contre Éric Dupond-Moretti », Le Monde du 17 déc. 2020.

[2] P. Gonzales, « Dupond-Moretti, cible de choix pour des magistrats toujours en colère », Le Figaro du 18 déc. 2020.

[3] Puisque l’on a reproché à M. Sarkozy d’avoir usé de son influence pour que le juge Azibert, avocat général de la Cour de cassation, ait pour sa retraite un poste honorifique à Monaco.

[4] Pour faire entendre un autre son de cloche que celui propagé par les magistrats, on peut ici citer l’opinion formulée par le chroniqueur judiciaire du Figaro après cinq jours de procès des écoutes : « L’enquête parallèle a été classée sans suite. Le PNF a successivement prétendu qu’elle n’existait pas, ou qu’elle ne concernait pas M. Sarkozy, ou qu’elle était en cours – ce qui est vrai : ouverte en 2014, elle a été maintenue artificiellement en vie pendant six ans. Il a juré que sa jonction avec l’instruction, qui paraissait s’imposer, n’avait pas été envisagée. Des écritures attestent du contraire. » « Procès Sarkozy-Herzog-Azibert : au-delà de l’affaire Bismuth : une question de principes », Le Figaro du 5 déc. 2020.

[5] IGJ «  Inspection de fonctionnement de conduite d’une enquête du Parquet national financier. Rapport définitif » sept. 2020 n°069-20, 129 p. Disponible sur le site suivant : https://www.vie-publique.fr/rapport/276204-inspection-dune-enquete-conduite-par-le-parquet-national-financier

[6] Avec d’autres juristes, nous avons relevé ce point dans la tribune suivante : P. Avril et alii, « Enquête du PNF. La justice n’est pas la seule affaire des juges, elle est celle de tous les citoyens, » Le Monde du 8 octobre 2020.

[7] Sa lettre du 16 juillet 2020 se retrouve à l’Annexe du rapport précité de l’IGJ  p. 96

[8] Elle figure en Annexe du rapport précité de l’IGJ, p. 100.

[9] « Les magistrats inquiets de la situation de l’institution judiciaire », Le Monde du 27 sept. 2020.

[10]  A. Michel et S. Piel, « Eric Dupond-Moretti à l’épreuve du conflit d’intérêt », Le Monde du 10 oct. 2020

[11] Décret n° 2020-1293 du 23 octobre 2020 pris en application de l’article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres, J.O. du 24 oct. 2020 (texte 27).

[12] On a lu avec le plus grand intérêt les chroniques de Pascale Robert-Diard (Le Monde) et Stéphane Souffland-Durand (Le Figaro).

[13] « Procès Sarkoz-Herzog-Azibert :au-delà de l’affaire Bismuth : une question de principes », Le Figaro du 5 déc. 2020.

[14] Cité dans P. Robert-Diard, « Procès des écoutes : un procès “bâti sur des hypothèses“ », Le Monde du 11 déc. 2020

[15] « Procès Sarkozy ; l’exception et la banalité », Journal du Dimanche du 17 déc. 2020

[16] C’est l’opinion sévère de S. Souffland-Durand : « La  personnalité du principal prévenu, adulé ou détesté a  empêché de poser un regard froid sur cette histoire minable. » art précité du Le Figaro du 5 déc. 2020.

[17] Voir notre tribune précitée du 8 octobre 2020.

 

 

 

Crédit photo: Gzen92, Wikimedia, CC BY SA 4.O