Quand le juge pénal fait du droit constitutionnel : une bien curieuse interprétation de la constitution

Par Olivier Beaud

<b> Quand le juge pénal fait du droit constitutionnel : une bien curieuse interprétation de la constitution </b> </br> </br> Par Olivier Beaud

La convocation de Nicolas Sarkozy par le tribunal correctionnel dans le procès des sondages de l’Elysée est un signe évident et supplémentaire du conflit grandissant entre les juges et les politiques. Le présent article vise essentiellement à montrer que, en méconnaissant l’immunité présidentielle, les juges répressifs trahissent une méconnaissance assez inquiétante du droit constitutionnel et de la bonne manière d’interpréter la constitution qui était ici au cœur du problème.

 

The summoning of former president Nicolas Sarkozy by the criminal court in the Elysée polls trial is an obvious and additional sign of the rising conflict between judges and politicians. The main purpose of this article is to show that, by disregarding presidential immunity, the repressive judges show a rather disturbing lack of knowledge of constitutional law and the proper techniques of constitutional interpretation which was at the heart of the case.

 

Par Olivier Beaud, Professeur de droit public à l’Université Panthéon-Assas

 

 

On a eu l’occasion de s’étonner, avec Me Soulez-Larivière, de la décision du tribunal correctionnel de Paris de faire comparaître Nicolas Sarkozy comme témoin dans le procès dit des « sondages de l’Élysée ». Cette décision du tribunal faisait droit à la demande par la partie civile, ANTICOR, de requérir l’ancien président de la République de venir y  témoigner, le cas échéant sous la menace de l’usage de la force publique. Selon nous, une telle décision ne respectait pas l’article 67 de la Constitution qui confère une immunité au président de la République[1]. En d’autres termes, il ne revient pas aux juges répressifs, en l’occurrence, un tribunal correctionnel de remettre en cause cette immunité, quoi que l’on puisse penser de celle-ci. Pourtant, c’est bien ce qu’a fait indirectement, mais nécessairement le tribunal correctionnel de Paris le 19 octobre 2021.

 

Selon le point de vue d’un autre constitutionnaliste, une telle décision serait peut-être constitutionnelle, mais elle est clairement inopportune aboutissant dans la pratique à une impasse[2]. Elle pourrait même, selon le même auteur, constituer une « fraude à la constitution » si elle devait aboutir à une forme cachée d’incrimination de l’ancien chef de l’État. La décision de convoquer comme témoin n’a pas davantage convaincu la doctrine pénaliste du moins celle qui s’est exprimée dans les médias. Un de ses membres a confié à un quotidien : « Quel aura été l’intérêt de cette décision vexatoire et humiliante ? Si l’on va jusqu’au bout du raisonnement, on peut y voir la contestation en creux, par les juges, de l’immunité, une règle légale et constitutionnelle »[3]. A nos yeux, il s’agit bien plutôt d’une contestation frontale et qui se veut frontale, dans la lignée d’une série de décisions récentes et convergentes de juges qui estiment, à la façon des juges italiens dans Mani Pulite, qu’ils sont là pour sauver la République, dont les fossoyeurs seraient les hommes politiques, toutes tendances confondues. On retrouve ces « juges-sauveurs » dont a parlé Jean-Pierre Royer dans sa magistrale Histoire de la justice en France pour désigner ces magistrats qui ont décidé de lancer une fronde contre les « puissants » au moyen du droit pénal.

 

Comme on pouvait s’en douter, cette convocation par le tribunal s’est terminée comme elle devait l’être : Nicolas Sarkozy a refusé, le 2 novembre 2021, de parler aux juges et de répondre à leurs questions se réfugiant derrière son immunité présidentielle (article 67C) et —de façon inappropriée, selon nous —le principe de séparation des pouvoirs. Beaucoup de bruit pour rien, dira-t-on, mais ce n’est pas tout à fait vrai. Sans commenter la stratégie judiciaire de la partie civile, Anticor, qui a reçu la bénédiction du tribunal, on voudrait quand même revenir sur l’aspect proprement constitutionnel de cette affaire. 

 

L’affaire en elle-même, des sondages de l’Élysée et certaines de ses implications constitutionnelles ont été exposées de façon excellente dans un billet, récemment paru dans ce blog[4]. Il s’agit ici pour nous de traiter exclusivement de façon plus complète que dans l’article de presse précité, la question posée par cette convocation décidée par le tribunal qui est celle de la façon dont les juges répressifs font du droit constitutionnel. La question de l’immunité présidentielle a en effet provoqué la rencontre du droit pénal et du droit constitutionnel. La date de celle-ci fut sans conteste le fameux arrêt Breisacher de 2001 rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation. Depuis, il est fréquent de voir des magistrats appelés à interpréter la constitution. Son interprétation n’est donc pas réservée au Conseil constitutionnel. Elle est également le fait de la juridiction administrative et de la juridiction judiciaire.

 

Pour ordonner que Nicolas Sarkozy « soit amené devant lui par la force publique pour qu’il soit entendu le 2 novembre », le président du tribunal correctionnel a estimé à l’audience du 19 octobre 2021 que son témoignage était « nécessaire à la manifestation de la vérité » et « susceptible d’avoir une influence sur les faits reprochés aux prévenus ». Mais surtout, il a ajouté que la Constitution « ne fa(sai]it nullement obstacle à ce qu’un ancien président soit entendu en qualité de témoin»[5]. Pourquoi se demandera-t-on, les juges du fond ont-il considéré, à la différence du juge d’instruction, qu’ils pouvaient entendre comme témoin M. Sarkozy ? La réponse figure en réalité dans le jugement du même tribunal rejetant la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par l’avocat de Claude Guéant, l’ancien secrétaire général (II). Mais avant de discuter ce jugement, il convient de faire un bref retour en arrière pour signaler un fait assez curieux de cette affaire qui réside dans l’invocation successive des deux formes d’immunité (I).

 

 

I – De l’inviolabilité à l’irresponsabilité ou les deux alinéas de l’article 67 mis en avant dans cette affaire

Une singularité de cette affaire est que le juge pénal sollicité par les parties en présence a envisagé successivement l’immunité présidentielle sous ses deux aspects : l’inviolabilité —  personnelle et temporaire  (art 67 al.2) et l’irresponsabilité —fonctionnelle et permanente — (art. 67 al.1). Ce fait a été insuffisamment perçu de sorte qu’il convient de le relater.

 

Pour le comprendre, il faut rappeler que les faits litigieux, à savoir la conclusion de nombreux contrats en faveur de deux sociétés de sondages, conclus à partir de juin 2007 après donc l’investiture présidentielle de Nicolas Sarkozy. Plus encore, l’action en justice de ceux qui ont contesté la licéité de la passation de tels contrats en invoquant la violation de deux articles du code pénal (Art 1432-14 et article 1432-16) sur le favoritisme et le détournement de fonds publics a commencé alors même que Nicolas Sarkozy était encore président en fonction. Tel était toujours le cas en 2011 lorsque les magistrats compétents — le procureur, le juge d’instruction, puis la chambre d’instruction en appel — se sont prononcés sur la délicate question de savoir si une telle immunité devait s’étendre aux conseillers du chef de l’État. Si le juge d’instruction estima, à la différence du Parquet, que l’immunité présidentielle ne valait pas pour les conseillers, la chambre d’instruction considéra que le seul fait de rechercher leur responsabilité supposait inévitablement de mettre en cause celle du chef de l’État de sorte que ces conseillers bénéficiaient de cette immunité par ricochet. En l’espèce, elle était fondée sur « le principe constitutionnel de l’inviolabilité du président de la République » prévue à l’article 67 al.2, qui doit lui « permettre de mener sa mission avec sérénité ».

 

La décision de la Cour de cassation date du 19 décembre 2012[6], à une époque où Nicolas Sarkozy n’est plus président de la République. Mais la Chambre criminelle doit alors statuer sur la décision de la Chambre d’instruction qui fut prise à un moment où ce dernier était encore président en exercice. Si la haute juridiction a raisonné uniquement en termes d’inviolabilité, c’est donc parce qu’elle était tenue de juger l’affaire dans le même cadre que la chambre d’instruction. Elle casse sans renvoi l’arrêt de la chambre d’instruction au motif que celle-ci n’a pas justifié sa décision. Si elle évite de prendre directement position sur l’étendue de l’immunité conférée au président de la République lui-même, elle est en revanche très ferme sur le principe selon lequel « aucune disposition légale, conventionnelle ou constitutionnelle n’instaure d’immunité ou inviolabilité au profit des membres du Cabinet du Président de la République. » La Cour de cassation interprète donc restrictivement l’immunité en brisant ainsi la cascade de protection qui pourrait découler d’une telle extension aux conseillers tout en laissant planer, selon nous en tout cas, un doute sur le type d’immunité qui est ici visé, comme l’indique la formule « immunité ou inviolabilité ».

 

La lecture du rapport du conseiller de la Cour de cassation permet d’éclairer cette décision. D’une part, la solution de principe selon laquelle les conseillers du président ne bénéficieraient pas de l’immunité figure mot pour mot dans ce rapport. D’autre part et surtout, le conseiller-rapporteur conclut son texte en précisant que « les faits, à les supposer établis, ayant été commis dans l’exercice de la fonction présidentielle, le second alinéa de l’article 67 de la Constitution est sans application ». Une telle affirmation suppose d’ailleurs de réduire l’inviolabilité présidentielle (art. 67 al.2[7]) aux seuls actes commis par le président antérieurement à ses fonctions ou en-dehors des fonctions. Quoi qu’il en soit, l’essentiel demeure dans la conviction du conseiller-rapporteur selon laquelle la commande des sondages de la part du président de la République relevait de sa fonction présidentielle. Or, comme on va le montrer, le tribunal correctionnel de Paris vient d’affirmer le contraire dans le procès des sondages.

 

 

II – Le jugement du 19 octobre 2021 sur la QPC du tribunal révèle une bien curieuse interprétation de la constitution

Dans son mémoire à l’appui de sa QPC, l’avocat de Claude Guéant soutient que l’application, dans cette affaire, des articles du code pénal (art. 1432-14 et art 1432-16) relatifs au délit de favoritisme et au délit de négligence « permettent de mettre en cause l’exécution d’une décision du président de la République et de mettre par conséquent directement ou indirectement en cause un acte du président de la République ». Cela aboutirait à une violation de la constitution, en raison d’une atteinte tant au principe de séparation des pouvoirs qu’à l’article 67 de la constitution qui « pose le principe de l’irresponsabilité pénale des actes accomplis par le président de la République dans le cadre de sa fonction ». Le changement de situation de M. Sarkozy – qui n’est plus dorénavant qu’ancien président de la République – a donc pour effet de modifier les articles de la Constitution susceptibles d’être mobilisés par avocats et juges: dorénavant, ce n’est plus la portée de l’inviolabilité (art. 67 al.2), mais celle de l’irresponsabilité (al.1) qui importe.

 

Le tribunal correctionnel a néanmoins refusé de transmettre cette QPC à la Chambre criminelle de la Cour de cassation au motif que l’une des conditions de la recevabilité de la QPC, le motif sérieux, n’était pas remplie. On peut toutefois émettre de larges doutes sur l’absence de sérieux d’un tel moyen et sur la position du tribunal qui vient ici se substituer au Conseil constitutionnel en appréciant le fond. En effet si les tribunaux rejetant une QPC le font en général de façon peu motivée, le tribunal correctionnel a ici pris le temps de répondre au fond et dans le détail aux griefs de constitutionnalité de l’avocat de C. Guéant pour en déduire l’irrecevabilité. Enfin et surtout, on fera observer que, tout occupé à examiner si les trois conditions posées par la loi organique sur la recevabilité de la QPC étaient remplies, le tribunal correctionnel a tout simplement oublié de vérifier si la condition de fond posée par l’article 61-1 de la constitution, à savoir une « atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit », était aussi remplie. Or, c’est bien sur ce fondement que la QPC aurait dû être rejetée car ni la séparation des pouvoirs, ni l’article 67C ne garantissent un quelconque « droit » à l’intéressé. Il y avait donc un chemin bien plus efficace pour rejeter cette QPC. Le tribunal correctionnel, pourtant, a fait passer la loi organique avant la loi constitutionnelle, ce qui est bien étrange, mais on ne va pas s’en plaindre car il a répondu précisément sur le point crucial de l’immunité présidentielle.

 

De ce jugement, on retiendra alors uniquement, mais c’est déjà beaucoup, le passage relatif à l’immunité présidentielle qui figure au §27 de la décision. Après avoir rappelé l’absence d’immunité des conseillers du président, le tribunal ajoute, précédée par un « en outre », la considération suivante qui justifie à ses yeux la convocation comme témoin de l’ancien président, signifiant ainsi que son immunité ne s’y oppose pas :

« L’irresponsabilité pénale dont bénéficie le président de la République ne concerne que les actes accomplis en cette qualité, à l’exclusion de ceux réalisés dans l’exercice de ses fonctions (sic). Ainsi, il doit être jugé que ladite irresponsabilité pénale ne doit s’appliquer qu’aux actes politiques du président de la République pouvant être regardés comme étant en relation directe avec sa mission et ses prérogatives constitutionnelles telles que mentionnées aux articles 5 et 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, à savoir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, la continuité de l’Etat, la sauvegarde de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, le respect des traités et la protection de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

 

Pour le dire d’un mot, une telle motivation laisse songeur le constitutionnaliste pour plusieurs raisons. La première source de perplexité vient du fait que le juge n’a pas eu le temps de se relire. Il faut évidemment lire dans le membre de phrase, marquée plus haut par le sic, la formule suivante : « à l’exclusion de ceux qui ne sont pas réalisés dans l’exercice de ses fonctions » car, sinon, la phrase n’a pas de sens. C’est un lapsus calami, et cela peut arriver à tout le monde.

 

Plus grave : par cette indication, le tribunal estime qu’il peut distinguer au sein de l’article 67 al.1, les actes qui entreraient dans la fonction présidentielle et ceux qui n’y entreraient pas dès lors qu’ils ne seraient pas commis dans l’exercice de ces fonctions. Une telle interprétation est surprenante à la lumière du texte de l’article 67 al.1 qu’il est bon de citer : « Le président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68. » Or, il est clair que l’expression « actes accomplis en cette qualité » doit être au centre de l’exégèse de cette disposition de l’article 67C. Une telle expression, qui peut sembler laconique, n’acquiert en réalité son sens que si on la met en rapport avec l’ancienne formulation de l’article 68 de la constitution qui, avant la révision de 2007 (instaurant le nouveau régime des articles 67 et 68), disposait : « le président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison » (al.1, 1ère phrase). En remplaçant cette dernière formule en 2007 par l’expression de l’article 67 al.1,  les auteurs de cette révision constitutionnelle ont donc prévu une immunité plutôt large tant il est évident que la formule « actes accomplis en sa qualité » n’a pas le même sens que « actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions ». Cette subtilité a échappé aussi bien au tribunal correctionnel qu’à la Cour de cassation, parce que les deux interprètent l’article 67 al.1 comme s’il couvrait uniquement les actes du président de la République commis dans l’exercice de ses fonctions. Ce n’est pas du tout ce qu’a voulu la loi constitutionnelle de 2007.

 

Cette volonté de diminuer la portée de l’immunité présidentielle est encore plus nette quand on lit la suite du §27 du  jugement du 19 octobre 2021 qui apparaît un peu ahurissante aux yeux d’un constitutionnaliste, pour au moins trois raisons.

 

D’abord, parce que le juge invente en effet une seconde limitation en faisant comprendre que cette irresponsabilité concerne « les actes politiques » du président, ce qui ouvre la voie à une distinction périlleuse d’application entre les actes politiques et les actes non politiques, étant entendu que le juge pénal se réserve le droit de dire ce qu’il en est. C’est d’ailleurs ce qu’il fait en l’espèce dans la mesure où il en conclut que la commande de sondages par le chef de l’Etat n’entre pas dans le champ des actes couverts par l’immunité.

 

Ensuite, le juge pénal a une bien étrange façon de définir la fonction présidentielle. En effet, il reconnait l’irresponsabilité au président de la République uniquement lorsque ses actes politiques sont « en relation directe avec sa mission et ses prérogatives constitutionnelles telles que mentionnées aux articles 5 et 64 de la Constitution du 4 octobre 1958. » Voici donc la fonction présidentielle résumée, et réduite, à deux articles de la constitution. Il est d’abord incongru de mettre les deux articles en question sur le même plan, tant il est évident pour un constitutionnaliste que l’article 64 (il est le « garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ») n’a qu’un intérêt presque mineur, voire anecdotique, pour comprendre le rôle imparti au chef de l’Etat par la Constitution. Quant à l’article 5 de la constitution, il est évidemment plus majestueux et il est bien connu en raison surtout de l’expression de « l’arbitrage », notion suffisamment ambivalente et plastique pour avoir été insérée dans la Constitution. Mais, quel que soit le sens qu’on donne à ce mot, il ne fait aucun doute que l’article 5 ne contient certainement pas une liste de compétences présidentielles, de « prérogatives », écrit le juge, – qui seraient censée épuiser ce qu’il peut faire. Que doit-on faire alors des autres articles du premier Titre de la constitution relatif au chef de l’Etat ? Doit-on passer, par exemple, par pertes et profits la disposition qui fait du président de la République le « chef des armées » (art.15) ?

 

Enfin, et surtout, le juge pénal a une conception très figée des attributions présidentielles sous la Ve République qui est au rebours de ce que l’on enseigne aux étudiants de 1ère année en droit constitutionnel. On est en effet censé leur apprendre que la lettre de la Constitution ne dit pas grand-chose de ce qu’est devenue la constitution dès lors que la pratique institutionnelle joue un rôle déterminant dans la compréhension de ce qu’est le droit en vigueur. C’est particulièrement vrai pour les pouvoirs du président de la République qui ont cru de façon impressionnante en raison de l’interprétation « présidentialiste » adoptée par le Général de Gaulle et ses successeurs dans une troublante continuité. Le squelette parlementaire est bien resté squelette, la chair du régime étant marquée par la prépondérance présidentielle. Il serait peut-être utile que les magistrats, et particulièrement les juges répressifs, quand ils s’aventurent à faire du droit constitutionnel, lisent des bons livres. A cette fin, on ne peut que leur recommander la lecture du maître-ouvrage, Les conventions de la Constitution de Pierre Avril, le professeur qui a présidé la commission chargée de préparer la révision constitutionnelle sur l’immunité. Dans ce livre, on découvre ce que signifie une constitution vivante, qui est bien loin de la conception « ankylosée » que nous donne à voir ici le juge pénal et qui est tout bonnement contraire à la réalité constitutionnelle.

 

Bref, comme on l’a compris, l’interprétation de la Constitution que fait le juge pénal dans ce jugement est loin d’être convaincante, pour user d’une litote. Il n’est pas très rassurant de voir que des juges, visiblement désireux de faire prévaloir le droit, puissent méconnaître à ce point la Constitution qui est aussi du droit….

 

 

 

 

[1] O. Beaud, D. Soulez-Larivière, « Les juges, eux aussi, doivent respecter la constitution », Le Monde du 28 oct. 2021.

[2] J. Jeanneney, « La convocation de M. Sarkozy est constitutionnelle mais épineuse », Le Monde du 28 oct. 2021

[3] Didier Rebut cité dans l’article : « Audition de Sarkozy : du droit au rapport de force désastreux », Le Figaro du 21 octobre 2021

[4] Elsa Forey, Blog de Jus Politicum, 30 oct. 2021, Affaire des sondages de l’Elysée : plaidoyer pour une meilleure articulation des contrôles sur la présidence de la République

[5]  Cité dans l’article : « Obliger Nicolas Sarkozy à venir au tribunal porte-t-il atteinte à son immunité ? » La Croix du 21 oct. 2021.

[6] Cour de cassation, Crim., 19 décembre 2012, 12-81.043,  Bull. crim., mais publié en extraits dans le Recueil Dalloz, 2013 , pp. 557 et suiv., (avec une note de deux pénalistes MM.. Decima, et Détraz, mais avec un titre sibyllin :  « instruction préparatoire : refus d’informer »).

[7] C. Art 67, al 2 « Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu. »

 

 

Crédit photo: European People’s Party, CC BY 2.0