Un nouvel acte dans le conflit sur les valeurs européennes. Analyse de la lettre ouverte adressée à la Cour européenne des droits de l’homme par des chefs de gouvernement européens Par Anna Tamion

Plusieurs chefs de gouvernement européens ont adressé une lettre ouverte à la Cour européenne des droits de l’homme, dans laquelle ils lui demandent de faire évoluer sa jurisprudence pour accorder davantage de latitude aux Etats parties dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette initiative apparaît comme un nouvel acte dans le conflit entre les juridictions européennes et certains États sur le sens et la portée des valeurs européennes, notamment l’État de droit et la garantie des droits fondamentaux. Malgré les affirmations des chefs de gouvernement signataires de la lettre, celle-ci heurte frontalement la conception communément admise de ces valeurs dans l’espace européen.
Several European heads of government have addressed an open letter to the European Court of Human Rights, in which they call on the Court to evolve its case law to allow greater leeway for member states in combating irregular immigration. This initiative appears to be a new chapter in the ongoing conflict between European courts and certain states over the meaning and scope of European values, particularly the rule of law and the protection of fundamental rights. Despite the assertions made by the heads of government who signed the letter, it directly clashes with the commonly accepted understanding of these values within the European sphere.
Par Anna Tamion, docteure en droit, Université Paris Panthéon-Assas
Le 22 mai dernier, à l’initiative de l’Italie et du Danemark, neuf chefs de gouvernement européens – dont l’Autriche, la Pologne et la Belgique – ont signé une lettre ouverte adressée à la Cour européenne des droits de l’homme, dans laquelle ils lui demandent de faire évoluer son interprétation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Ces dirigeants reprochent à la Cour d’avoir étendu excessivement la portée de la Convention, au-delà des intentions des auteurs et au détriment des préoccupations des nations européennes, en particulier la sécurité et la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette question migratoire apparaît d’ailleurs de manière récurrente devant la Cour, comme en témoignent trois affaires, audiencées en grande chambre en février dernier, dans lesquelles sont mises en cause la Pologne, la Lettonie et la Lituanie pour avoir, entre autres, fait obstacle à l’accès aux procédures d’asile[1]. Selon les auteurs de la lettre, ces objectifs de sécurité et de lutte contre l’immigration irrégulière seraient devenus prioritaires, au regard de l’augmentation notable de l’immigration irrégulière et du refus manifesté par de nombreux étrangers arrivant sur le territoire européen de s’intégrer et d’adopter les valeurs européennes. Pour ces raisons, à savoir une jurisprudence excessivement favorable aux droits individuels et une nécessité grandissante de donner des moyens au but politique de lutte contre l’immigration, la balance des intérêts aujourd’hui opérée par la Cour ne serait pas satisfaisante. « En toute modestie », affirment-ils, ces chefs de gouvernement entendent représenter l’opinion de la majorité des citoyens européens sur les questions migratoires. Un changement d’attitude interprétative de la Cour serait ainsi la seule manière de protéger la démocratie – même si les auteurs du texte anticipent déjà, écrivent-ils, qu’ils vont être accusés de la menacer. Il faut comprendre par-là que la jurisprudence de la Cour doit faire l’objet d’une adhésion populaire, ce qui suppose qu’elle soit conforme aux valeurs des différentes nations européennes.
L’intérêt de ce texte est que, par son caractère explicite et même frontal, il révèle clairement un problème qui se joue quotidiennement, mais de manière plus voilée, dans le rapport entre les juridictions européennes – qu’il s’agisse de la Cour de justice de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’homme – et les États parties ou membres. Ce problème est celui des incertitudes, voire des dissonances, entre les niveaux de valeurs, européennes et nationales. Les valeurs européennes sont-elles toujours les valeurs nationales ? A l’évidence, cela est de moins en moins le cas, en raison de la montée de tendances illibérales dans certains États, qui heurtent frontalement les valeurs européennes de garantie des droits humains et de l’État de droit. Les institutions européennes sont ainsi conduites à réaffirmer régulièrement ces principes, au nom d’une identité commune pourtant de plus en plus fragilisée. Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe a d’ailleurs répondu à cette lettre dans un communiqué publié sur le site de l’institution[2]. Il rappelle en particulier que la Cour est un organe institué par les États, dans le but de garantir les droits et les valeurs qu’ils se sont engagés à respecter. Il souligne que la démarche des auteurs de cette lettre ouverte dépasse les limites d’un débat sur le sens des principes juridiques européens et s’analyse comme une pression politique sur la justice, mettant à mal son indépendance et son impartialité.
Au-delà de mettre en lumière le conflit qui opposent certains États aux juridictions européennes, ce texte illustre parfaitement le positionnement de ces États réfractaires dans ce conflit. Leur posture est teintée de mauvaise foi. En réalité, ils remettent clairement en cause les valeurs européennes (1). Cependant, dans le discours, ils revendiquent l’adhésion à ces valeurs, qui se trouvent alors instrumentalisées, dès qu’ils plaident pour leur donner un sens contraire à leur esprit (2).
1. Une remise en cause des valeurs européennes
Malgré l’affirmation liminaire d’un attachement « aux valeurs européennes, à l’État de droit ainsi qu’aux droits humains », le contenu de la lettre ouverte constitue une attaque en règle contre cet esprit européen.
En premier lieu, la conception européenne de l’État de droit est clairement remise en question.
D’une part, la démarche elle-même apparaît comme une tentative d’exercer une pression politique sur la justice, ce qui montre un attachement tout relatif de ses auteurs pour son indépendance et son impartialité, pourtant cardinales pour la Cour européenne des droits de l’homme[3] comme pour la Cour de justice de l’Union européenne[4]. C’est en ce sens que le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, dans sa réponse, a pu écrire que « débattre est sain, mais politiser la Cour ne l’est pas. Dans une société régie par l’État de droit, aucun pouvoir judiciaire ne devrait être soumis à des pressions politiques ». Il ne s’agit pas, en effet, d’une simple critique des décisions de justice, qui, sous les réserves pénales classiques[5], est normale dans une démocratie, même quand elle est exprimée par un représentant politique. En effet, ces chefs de gouvernement, dont les voix sont réunies pour l’occasion, s’adressent directement à la Cour et lui intiment de modifier sa ligne jurisprudentielle dans un sens déterminé. Cette attaque contre l’indépendance de la justice n’est pas sans rappeler le conflit qui oppose régulièrement certains des États signataires de cette lettre – notamment la Pologne et la Hongrie – à la Cour de justice de l’Union européenne. C’est dans le contexte de réformes nationales réduisant fortement les garanties d’indépendance de la justice que la Cour de justice a été conduite, d’abord dans le cadre de questions préjudicielles, puis de recours en manquement, à donner une effectivité à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne (TUE), justement relatif aux valeurs européennes. Elle a combiné cet article, qui mentionne la valeur de l’État de droit, à l’article 19 du TUE, relatif à la garantie de voies de recours, dans le but d’imposer une obligation générale aux États de garantir l’indépendance des juridictions lorsqu’elles sont susceptibles de mettre en œuvre le droit de l’Union[6].
D’autre part, les auteurs de la lettre développent une forme d’opposition entre l’État de droit et la démocratie, qui se trouve en décalage avec la position de la Cour européenne des droits de l’homme sur cette question[7]. Les signataires affirment ainsi que la Cour a bien trop réduit leur marge d’action politique en matière d’immigration, en leur imposant des contraintes très importantes liées au respect des droits fondamentaux. Bien plus, cette opinion serait largement partagée dans les peuples européens. C’est donc au nom d’une volonté populaire présentée comme majoritaire que les signataires de la lettre demandent une réduction de la protection des droits des étrangers accordée par les juges. Ces derniers se voient intimer de desserrer les contraintes juridiques en matière d’immigration au nom de la démocratie, qui exigerait justement de laisser une plus grande latitude aux représentants dans la réalisation des buts politiques. Bien entendu, il est légitime qu’existe un débat sur la juste articulation entre les pouvoirs du juge et ceux des représentants politiques pour trancher des questions de société. Les juges sont tenus d’interpréter et d’appliquer les droits fondamentaux, si bien qu’ils sont inévitablement confrontés à ces questions controversées. Mais leur compétence ne saurait être totale et il est normal qu’une discussion existe sur son étendue. Il s’agit, au fond, de la délicate conciliation entre l’État de droit et la démocratie. Même quand son principe est admis, elle demeure toujours en discussion dans sa forme concrète. L’enjeu est d’identifier le bon équilibre, acceptable dans une société donnée. Cela étant, en l’espèce, la lettre ouverte ne semble pas s’inscrire dans ce débat normal. En effet, la protection des étrangers assurée par la Cour européenne des droits de l’homme se limite aux droits procéduraux et substantiels les plus fondamentaux et sommaires, dont il est difficile d’envisager la réduction sans entamer profondément l’idée d’État de droit. Au nom d’une opinion populaire présentée comme majoritaire, les signataires demandent à la Cour de revenir sur des garanties élémentaires et constitutives d’un État de droit. En cela, ils s’inscrivent implicitement, mais nécessairement, dans la mise en opposition de l’État de droit et de la démocratie.
Les signataires de la lettre attaquent également une seconde valeur européenne : la dignité. Les chefs de gouvernement demandent en effet davantage de latitude afin d’expulser des étrangers en situation irrégulière, en particulier lorsque ces personnes auraient commis des crimes. Pourtant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’interdit pas de telles expulsions. Elle les entoure de conditions qui traduisent simplement des garanties minimales de dignité et qui laissent une marge très importantes aux États. Prenons un seul exemple, celui des demandeurs d’asile. Cette catégorie d’étrangers doit être particulièrement protégée, dès lors qu’ils avancent être victimes de persécutions au sens de la Convention de Genève de 1951. Pourtant, les garanties européennes contre leur expulsion ne briment pas excessivement les États. Les demandeurs d’asile peuvent ainsi invoquer une violation de leur droit au recours effectif lorsque le refoulement s’est révélé arbitraire, sans garantie procédurale[8]. Ils peuvent également se plaindre d’une expulsion décidée alors qu’il existe un risque qu’ils subissent un traitement inhumain et dégradant[9].[10]. Lorsqu’une expulsion est décidée contre un demandeur d’asile, la Cour autorise même les États à les placer en centre de rétention en attendant que la mesure soit exécutée[11]. Bien plus, si les expulsions collectives sont en principe interdites par l’article 4 du protocole n°4[12], la Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt fortement critiqué, a pu considérer que, lorsque des migrants entraient illégalement sur le territoire, ils pouvaient être refoulés d’office, sans examen de leur situation individuelle et sans possibilité de demander l’asile[13]. Cette décision conduit certains Etats à pratiquer le « push-back », c’est-à-dire à ériger des barrières ou des murs. Si les étrangers les franchissent, les Etats seront autorisés à les expulser sans devoir recueillir leur demande d’asile. Ainsi, les garanties européennes apparaissent comme un simple minimum au nom de la dignité de la personne humaine ainsi que de l’État de droit. Les signataires de cette lettre, en dénonçant les limites excessives qui leur seraient imposées par la Cour, entendent-ils revenir sur ces garanties minimales ? Si ce devait être le cas, outre l’État de droit, c’est la dignité humaine, autre valeur européenne cardinale, que leur texte menacerait.
Malgré tout, les auteurs de la lettre affirment leur attachement aux valeurs européennes et s’en revendiquent pour justifier leur démonstration. En invoquant ainsi des valeurs générales alors qu’ils n’adhèrent manifestement pas à leur contenu communément admis dans l’espace européen, ils tentent de les instrumentaliser.
2. Une instrumentalisation des valeurs européennes
Le discours sur les valeurs adopté par les auteurs de la lettre ouverte est pour le moins ambigu. Au début du texte, ces chefs de gouvernement affirment adhérer pleinement aux valeurs européennes des droits humains et de l’État de droit, et en demander justement une adaptation salutaire pour lutter contre l’arrivée d’étrangers qui, faute de manifester des efforts d’intégration suffisants, ne les partageraient pas. Les valeurs européennes sont donc invoquées pour justifier le durcissement d’une politique migratoire. Pourtant, ainsi que nous avons tenté de le démontrer dans la première partie de ce billet, il est manifeste que les signataires de la lettre ne partagent pas ces valeurs, ou du moins, pas le sens qui leur est communément donné dans l’espace européen.
Un tel discours place les institutions européennes, d’esprit politiquement libéral, dans une position délicate. Ces chefs de gouvernement ne défendent-ils pas simplement une autre conception de l’État de droit et de la démocratie, différente de celle communément partagée dans l’espace européen [14]? Auquel cas, ne devraient-elles pas tendre l’oreille et prendre au sérieux ces revendications ? Après tout, qui peut dire avec autorité ce qu’il faut entendre par « État de droit » ? La signification de ce concept n’a-t-elle d’ailleurs pas connu des évolutions ? Il est pourtant difficile de conclure à la sincérité de ces discours. Un attachement réel à l’État de droit, quelle que soit la signification précise qui lui est donnée, suppose, avant tout, qu’il perdure même lorsque cela conduit à poser des contraintes supplémentaires dans la réalisation de buts politiques. Ensuite, s’il peut exister différentes interprétations de l’idée d’État de droit, celles-ci doivent, pour s’imposer, être convaincantes[15], ce qui disqualifie celles apparaissant comme absurdes ou manifestement peu crédibles. Or, un État de droit sans indépendance de la justice semble bien vidé de son sens[16]. Partant, il faut en conclure que l’invocation des valeurs européennes de l’État de droit et de la garantie des droits humains par les auteurs du texte est rhétorique. Elle vise à rendre acceptable l’objet fondamental de la lettre, à savoir le durcissement de la politique migratoire. Le texte aurait très sûrement été bien mal reçu si les auteurs avaient expliqué clairement que leur priorité était la lutte contre l’immigration illégale, et que cet objectif devait être réalisé même s’il impliquait de réduire la protection des droits fondamentaux des étrangers et de revenir sur des composantes essentielles de l’État de droit. Ce point est démontré par l’incohérence du discours des auteurs de ce texte sur les valeurs. S’ils invoquent dans un premier temps les valeurs européennes pour justifier un durcissement d’une politique migratoire à l’égard d’étrangers qui ne les partageraient pas, ils se réfèrent, par la suite, aux valeurs nationales des États parties à la Convention, pour souligner qu’elles sont différentes de celles véhiculées par la Cour. Autrement dit, ils font jouer les valeurs européennes d’État de droit et de garantie des libertés contre l’accueil des étrangers, puis les valeurs nationales de lutte contre l’immigration…contre les valeurs européennes.
Cet habillage de la proposition politique faite par les auteurs de la lettre est problématique dans un contexte démocratique. La délibération politique démocratique suppose, en effet, que soient invoquées, par les participants, des « raisons publiques ». Cette expression reçoit différents sens en philosophie politique. Pour Jürgen Habermas, il s’agit des raisons que nous invoquons d’un point de vue impartial, indépendamment de nos intérêts ou de nos déterminations culturelles[17]. En ce sens, c’est une idée plus forte des raisons publiques que celle de John Rawls, qui désigne par ce terme ce sur quoi les citoyens d’une démocratie libérale sont capables de se mettre d’accord indépendamment de leurs désaccords sur leurs conceptions du monde[18]. Pourtant, que l’on adhère à l’une ou à l’autre de ces théories sur les « raisons publiques », un point commun et minimal ressort. Ce sont des propositions argumentées que les participants croient sincèrement souhaitables pour la collectivité et, surtout, qu’ils soumettent à une discussion contradictoire. Cela suppose de les exposer clairement, dans ce qu’elles sont réellement, sans manipulation et sans dissimulation sur leur portée, sans arrière-pensée. C’est précisément ce que ne semblent pas faire les auteurs de ce texte. L’instrumentalisation des valeurs européennes, invoquées seulement pour séduire ou rassurer, ne semble pas alors menacer seulement l’État de droit, mais aussi la démocratie.
[1] Voir les communiqués de presse sur les audiences tenues à propos de ces trois affaires
[2] https://www.coe.int/fr/web/portal/-/alain-berset-on-the-joint-letter-challenging-the-european-court-of-human-rights
[3] CEDH, GC, 1er décembre 2020, Guðmundur Andri Ástráðsson c. Islande, n° 26374/18, §73.
[4] CJUE, GC, 20 avril 2021, Repubblika c. Il-Prim Ministru, C-896/19.
[5] J.-B. Thierry, « Est-il interdit de critiquer une décision de justice ? », Club des juristes, 10 avril 2025
[6] Pour des exemples récents, voir CJUE, 25 février 2025, C-146/23 et C-374/23, sur la précision des exigences du droit de l’Union relatives à la fixation de la rémunération des juges nationaux ; CJUE, 6 mars 2025, C-647/21 et C-648/21, sur la précision des conditions dans lesquelles peut être prise la décision de dessaisir un juge de ses affaires.
[7] CEDH, GC, 15 mars 2022, Grzeda c. Pologne, n° 4372/18, §73 ; CEDH, GC, 22 décembre 2020, Selahattin Demirtaş c. Turquie, n° 14305/17, §382. Voir également les interventions lors du séminaire de travail organisé par la Cour en 2023, « En protégeant les droits de l’homme les juges préservent la démocratie » : https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Speech_20230127_Jelic_JY_FRA ; https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/Speech_20230127_Baer_JY_FRA.
[8] CEDH, GC 21 janvier 2011, M.S.S. et autres c. Belgique et Grèce, nº 30696/09, §283.
[9] CEDH, GC, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12, §93.
[10] CEDH, 1er septembre 2015, Khlaifia et autres c. Italie, n° 16483/12, §158.
[11] CEDH, 23 juillet 2013, Suso Musa c. Malte, n°42337/12, §90.
[12] CEDH, 1er septembre 2015, Khlaifia et autres c. Italie, n° 16483/12, §158.
[13] CEDH, GC, 13 février 2020, N. D. et N. T. c/ Espagne, n° 8675/15 et 8697/15.
[14] Sur cette conception, voir la note n°7.
[15] R. Dworkin, Justice pour les hérissons. La vérité sur les valeurs (2011), trad. J. E. Jackson, Genève, Labor et fides, 2015, pp. 179-201.
[16] O. Jouanjan, « L’État de droit démocratique », Jus Politicum, 2019, n°22, p. 13
[17] J. Habermas, « La morale des visions du monde. “Raison” et “vérité” dans le libéralisme politique de Rawls » (1996), in J. Habermas, J. Rawls, Débat sur la justice politique, trad. R. Rochlitz et C. Audard, Paris, Cerf, 2005, p. 161 : « Qu’une conception publique de la justice doive, en fin de compte, tirer son autorité morale de raisons non publiques, c’est là une idée contre-intuitive. Tout ce qui possède une validité doit pouvoir faire l’objet d’une justification publique. Pour les mêmes raisons, les énoncés valides méritent une reconnaissance universelle ».
[18] J. Rawls, Libéralisme politique (1993), trad. C. Audard, 3e éd., Paris, PUF, 2016, p. 92, II, §3 : « Observons qu’ici le fait d’être raisonnable n’est pas une idée épistémologique (bien que ce fait comporte des éléments épistémologiques). Il appartient plutôt à un idéal politique de la citoyenneté démocratique qui inclut l’idée de raison publique. Le contenu de cet idéal est délimité par ce que des citoyens libres et égaux peuvent, en tant qu’ils sont raisonnables, exiger les uns des autres, en tenant compte de leurs doctrines compréhensives raisonnables. Dans ce cas, ils ne peuvent exiger rien de contraire à ce que les partenaires, en tant qu’ils sont leurs représentants dans la position originelle, pourraient accepter ».
Crédit photo: Zsófia Vera