Réplique à une réponse. Contenu et portée d’une controverse sur la constitutionnalisation du droit de recourir à l’avortement Par Olivier Beaud
Ce billet[1] vise à répondre à la critique argumentée que Stéphanie Hennette-Vauchez a effectué sur ce blog de notre propre critique de sa tribune de presse mettant en cause la formulation retenue par le Sénat. Il entend réfuter les deux assertions majeures de cette critique et pose la question centrale de l’enjeu ultime de la proposition de constitutionnaliser l’avortement : ne s’agit-il pas essentiellement d’une mesure symbolique ?
This blogpost is a response to Stéphanie Hennette Vauchez’s critique of our own critique of the op-ed she co-authored about the change the Senate made in the wording of the constitutional reform about abortion. Our post aims to reject the two main points of her criticism and to identify the real issue at stake here : the symbolic – rather than legal – dimension of this proposed constitutionalisation of abortion.
Par Olivier Beaud, Professeur de droit public à l’Université de Paris Panthéon-Assas
Stéphanie Hennette-Vauchez n’a été pas convaincue[2] par le billet que nous avons publié sur ce blog de Jus politicum, contestant la tribune dans laquelle elle s’était exprimée, avec d’autres collègues, sur la constitutionnalisation de l’IVG[3]. Sa réponse très argumentée mérite une réplique qu’on espère tout aussi argumentée. Avant d’entrer dans le vif du sujet, un mot s’impose pour préciser à l’attention des lecteurs, que si que notre billet était très court (environ 5000 signes), c’était parce qu’il avait été initialement écrit pour être publié dans Le Monde en vue de répondre à la tribune en question. Comme ce journal ne l’a pas accepté, nous l’avons proposé au blog de Jus politicum[4] tel quel, sans modifications ni ajouts de sorte que l’argumentation était nécessairement ramassée.
I – Dans ce billet en réponse, Stéphanie Hennette-Vauchez entend réfuter ma critique en pointant deux erreurs. Selon elle, nous aurions affirmé qu’il n’y avait pas « de différence significative entre les deux formulations » de l’Assemblée nationale et celle du Sénat, – ce qui serait une première erreur, et, ensuite, nous aurions soutenu — à tort aussi — qu’il y a une protection constitutionnelle du droit à l’IVG en raison d’une certaine jurisprudence constitutionnelle.
Une telle présentation nous met un peu mal à l’aise car elle contribue, peut-être involontairement, à déformer la structure de notre billet. Le cœur de ce dernier portait en réalité sur une interprétation de la formule adoptée par le Sénat par les auteurs de la tribune tandis que la notation finale et très brève — comme en passant — sur le fait que le Conseil constitutionnel avait déjà constitutionnalisé le recours à l’IVG était une sorte de remarque incidente à une remarque plus générale selon laquelle les partisans de la constitutionnalisation exagéraient le danger d’une remise en cause du droit à l’avortement en France. En d’autres termes, notre propos était hiérarchisé en ce sens qu’il reposait fondamentalement sur la critique de l’argumentation des trois auteurs de la tribune relative à l’interprétation de la constitution, argumentation que j’ai osé dire qu’elle n’était pas « raisonnable ».
Pour être encore plus précis, nous n’avons jamais affirmé expressément, comme le prétend Stéphanie Hennette-Vauchez, que « la formulation résultant du vote au Sénat (« la loi détermine les modalités selon lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ») ne serait pas moins robuste ou protectrice que la formulation de l’Assemblée nationale (« la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse »). En revanche, nous avons expressément contesté la formule des trois auteurs, évoquée plus haut : « une loi qui viendrait réduire drastiquement les délais de recours à l’interruption volontaire de grossesse, voire l’interdire, serait, formellement, une loi remplissant sa fonction constitutionnelle de “détermination“ des conditions de l’IVG. » C’est cette phrase, tout autant que la formule d’une « arnaque à la liberté » (que reprend Stéphanie Hennette-Vauchez dans sa réplique car elle semble l’apprécier) qui nous a incité à prendre la plume et à soutenir qu’« une telle argumentation était fort critiquable. Lorsqu’une disposition constitutionnelle confie à une loi le soin de l’appliquer ou de la préciser, il est clair que le législateur a l’obligation de respecter, donc de ne pas dénaturer, cette disposition. » À l’appui de notre opinion, nous citions le cas du droit de grève. Il nous semble toujours qu’une interprétation de la constitution qui partirait de sa potentielle dénaturation par ceux qui sont chargés de l’appliquer (le législateur) ou de la juger (le Conseil constitutionnel) est une bien curieuse manière d’interpréter la constitution.
Or, il faut bien constater que sur ce point précis et central de notre critique Stéphanie Hennette-Vauchez ne nous répond pas vraiment. Dans son billet en réponse, cette dernière fait autre chose car elle propose, non sans talent, une exégèse à la fois littérale et historique du verbe « garantir » qui signifierait, dans la formulation de l’Assemblée nationale, l’existence d’une « clause de non régression ». Par ailleurs, elle considère que le fait que le Sénat, par la voix de Philippe Bas, a substitué au verbe « garantir », le verbe « déterminer » signifierait que le même Sénat ne voulait pas d’une telle « clause de non régression ». C’est possible, mais rien ne prouve objectivement une telle assertion, sauf la présomption que le Sénat, politiquement conservateur, aurait agi ainsi pour des raisons politiques. Il me semble tout aussi possible d’affirmer, ce que nous avons écrit dans notre billet ici contesté, que le verbe « déterminer » était un moyen sémantique de concilier la lettre de cette disposition avec le vocabulaire utilisé dans l’article 34. Ici encore, les deux interprétations sont possibles[5].
Enfin, il n’est pas sans intérêt de relever que cette controverse est probablement déterminée par des options théoriques. Sans qu’elle ne le dise expressément, Stéphanie Hennette-Vauchez se réfère à l’École de Nanterre et à la théorie réaliste de l’interprétation. C’est très visible quand elle écrit sa première précaution méthodologique pour interpréter la constitution : « Il importe d’abord de rappeler qu’un texte en lui-même ne veut rien dire, en ce sens que sa signification normative dépend toujours in fine de l’interprétation qui en sera(it) donnée. En ce sens, aucun texte, aucune révision constitutionnelle, ne peut se voir conférer une signification assurée indépendamment des étapes ultérieures de l’interprétation authentique. » C’est en peu de mots l’alpha et l’oméga de la doctrine de Michel Troper sur l’interprétation du droit qui a eu le succès que l’on connaît, surtout en droit constitutionnel d’ailleurs. Au nom d’une telle doctrine qui magnifie la liberté de l’interprète et sa supériorité sur l’auteur, on peut alors comprendre les craintes de Stéphanie Hennette-Vauchez sur la dénaturation possible d’un droit à l’IVG constitutionnalisé.
Nous n’avons jamais partagé cette doctrine radicale de l’interprétation (désormais connue sous la forme de son acronyme, la TRI) rejoignant plutôt l’opinion de ceux qui l’ont, en doctrine, contestée de façon selon nous convaincante[6]. Ce n’est pas ici le lieu de développer de telles critiques. En revanche, on peut faire observer[7] à Stéphanie Hennette-Vauchez que l’ensemble de son article est fondé sur l’idée selon laquelle la formulation du texte proposée pour la révision constitutionnelle, émanant de l’Assemblée nationale serait intrinsèquement supérieure à celle suggérée par le Sénat. Cela signifie donc que « le texte » en soi « veut bien dire » quelque chose et que sa signification ne dépend pas uniquement de ses divers interprètes. L’auteur du texte a quand même son importance. Sinon la controverse qui nous divise n’aurait pas de sens pour le coup !.. D’une certaine manière, la façon dont l’auteur que nous critiquons raisonne dément sa propre théorie, ce qui nous semble d’ailleurs plutôt une bonne chose car sa thèse principale revient à plaider la reconnaissance explicite d’un droit de recourir à l’avortement dans le texte même de la constitution. Sa thèse juridique se trouve cette fois en cohérence avec son engagement non dissimulé en faveur du féminisme, tel qu’il ressort de la fin de sa tribune.
II – Dans la seconde partie de sa réponse, Stéphanie Hennette-Vauchez nous « retourne le compliment » en quelque sorte puisqu’elle estime qu’« il n’est pas raisonnable de considérer que le Conseil constitutionnel a déjà constitutionnalisé le droit à l’avortement ». Elle considère que notre invocation de la décision du 29 juin 2001 serait « éminemment contestable » et que le recours à l’expression de « constitutionnalisation implicite » reviendrait à utiliser une « catégorie analytique un peu mystérieuse ». Bref, nous ne l’avons pas ici davantage convaincue.
Mais si nous avons, furtivement, énoncé cette idée d’une constitutionnalisation de la protection du droit à l’IVG par la jurisprudence, ce n’est pas sans quelques raisons. Certes, on doit concéder que le Conseil constitutionnel ne l’a pas dit explicitement et qu’il n’est pas d’une clarté absolue dans sa motivation — ce n’est pas nouveau et c’est bien le problème. On fera remarquer d’abord qu’il procède de cette manière pour la plupart des droits et libertés qu’il a considérés comme ayant valeur constitutionnelle et que sa reconnaissance du droit à l’IVG est tout aussi vague que dans d’autres cas. Ensuite, la preuve que notre thèse n’est pas si erronée que cela tient au fait que Stéphanie Hennette-Vauchez elle-même, après avoir cité le cinquième considérant de la décision du Conseil constitutionnel de 2001, est obligée de concéder qu’on peut à la rigueur « inférer du paragraphe cité que la liberté qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est en cause lorsque le législateur intervient en matière d’IVG (on serait en ce sens dans son champ d’application). Mais ce serait une interprétation bien constructive ». Pas si constructive que cela pourtant.
En effet, il est raisonnable de soutenir que le Conseil constitutionnel a opéré une constitutionnalisation à la fois implicite et indirecte[8]. Il suffit le lire le paragraphe en question de cette décision de 2001 qui portait sur la question de savoir si la loi qui étendait de dix à douze semaines la faculté pour une femme enceinte de recourir à l’IVG était conforme à la Constitution. Dans ce cas, précis, le Conseil constitutionnel évite de recourir au droit à la vie, mais invoque la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme de dégradation (principe à valeur constitutionnelle depuis 1994), qu’il contrebalance (idée de « l’équilibre » entre deux droits) par l’invocation de « la liberté de la femme qui découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Pour opposer ces deux droits, et les « équilibrer, » le Conseil est bien obligé d’admettre que la liberté de la femme a valeur constitutionnelle. C’est ce que lui permet le rattachement à l’article 2, à la liberté personnelle, dans cette décision de 2001, affirmation qu’il a notamment réitérée dans son importante décision de 2017 sur la loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (2017-747 DC du 16 mars 2017, cons.10).
Une parenthèse à ce propos mérite d’être faite sur l’arbitraire du Conseil Constitutionnel dans le rattachement de ses fondements constitutionnels à des articles de la constitution ou de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En l’occurrence, pourquoi choisit-il l’article 2 DDHC alors qu’il s’était fondé sur l’article 4 pour proclamer la liberté de mariage ? Tout cela est bien intrigant, pour ne pas dire guère satisfaisant.
Quoi qu’il en soit, il opère bien dans cette décision de 2001 (confirmée par les décisions ultérieures) une constitutionnalisation implicite. Le commentateur est forcé d’utiliser une telle expression lorsque le Conseil constitutionnel est, comme à sa triste habitude, laconique. Loin d’être réduit au cas de cette décision, cette façon de procéder du Conseil est récurrente. Pour ne prendre qu’un seul exemple, comment pourrait-on expliquer autrement la constitutionnalisation de « la sauvegarde de l’ordre public » dans la décision du 25 janvier 1985 (85-187 DC), qui va lui permettre de trouver dans l’article 34 (Const.) l’habilitation pour fonder l’état d’urgence en général ? Il a attribué au législateur le soin « d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public ». Il oppose ainsi deux principes ou règles à valeur constitutionnelle (sans d’ailleurs préciser à quel standard juridique il se réfère), mais si le premier était contenu dans l’article 34 C, le second n’était écrit nulle part. Or c’est exactement au même raisonnement qu’il procède en 2001 dans la décision précitée où il met en opposition le principe de dignité humaine et la liberté de la femme, liberté qu’il induit seulement de l’article 2 DDHC.
On voudrait ici ajouter que cette constitutionnalisation du droit à l’IVG n’est pas seulement implicite, mais aussi indirecte. Le Conseil estime, que « la liberté de la femme découle de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Dans les deux décisions précitées de 2001 et 2017 et (pour ne citer que les plus importantes), le Conseil constitutionnel déduit le droit à l’IVG de la « liberté de la femme » qui a valeur constitutionnelle. Certes, on objectera, que dans la décision de 2001, le Conseil constitutionnel ne fait pas expressément ce lien entre les deux (liberté de la femme et droit à l’IVG), mais c’est bien la seule façon de comprendre cette décision qui devait statuer sur une extension de la période au cours laquelle une femme « en situation de détresse » (disposition en vigueur à l’époque) pouvait recourir à l’avortement. Puisque Stéphanie Hennette-Vauchez aime bien s’appuyer sur le « contexte », il convient de lui signaler que le contexte de la décision de 2001 invite à considérer que le Conseil constitutionnel y a ici traité la « liberté de la femme » et le droit à l’IVG, comme un tout systématique et hiérarchisé dans la mesure où il déduit ce dernier de la première. Plus exactement, à nos yeux, la constitutionnalisation de la liberté de la femme n’a été ici que le moyen trouvé par le Conseil pour constitutionnaliser le droit à l’avortement. Un peu de façon subreptice ou clandestine, peut-être d’ailleurs parce qu’il ne voulait pas le clamer trop fort alors qu’il n’a pas pris les mêmes précautions pour proclamer la constitutionnalisation du principe de fraternité à partir duquel il a déduit « la liberté d’aider autrui ».
En outre et surtout, notre opinion a le grand mérite de passer et de réussir le test infaillible suivant : que se passerait-il si, dans l’état actuel du droit résultant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une loi portait atteinte, directement ou indirectement, au droit à l’IVG ? La réponse ne souffre pas de doute : une telle loi serait immanquablement déclarée inconstitutionnelle. En effet, le Conseil constitutionnel estime « qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles » (2005-530 DC du 29 décembre 2005, §45). C’est le dernier membre de phrase qui nous intéresse ici, même s’il pose une exception par rapport à la règle énoncée précédemment. Il signifie ici concrètement que, dans la mesure où la liberté de la femme et donc le droit à l’IVG font partie de ces « exigences constitutionnelles » (standard minimum pour décrire cette constitutionnalisation), le législateur pourrait certes modifier des dispositions législatives qui protègent ou favorisent l’exercice d’un tel droit, il ne pourrait cependant pas le faire au point soit de priver un tel droit d’effectivité, soit de le « dénaturer ». Le Conseil constitutionnel a donc tout fait ici pour que le droit de recourir à l’interruption volontaire de grossesse soit protégé par cette double constitutionnalisation, directe (liberté de la femme) et, indirecte (IVG).
En réalité, comme on l’a dit plus haut, le vrai problème se situe probablement ailleurs c’est-à-dire dans le fait que le Conseil constitutionnel est remarquablement flou et ambigü tant dans la motivation de ses décisions que dans la découverte des droits et libertés déclarés par lui « constitutionnels ». Il en résulte que les commentateurs peuvent être en complet désaccord sur le sens à attribuer à sa jurisprudence sur le thème des « droits et libertés ». C’est le point d’accord que l’on espère trouver peut-être avec Stéphanie Hennette-Vauchez.
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Pour conclure, il convient de noter que cette dispute fait surgir la question essentielle qui lui est sous-jacente et qui porte sur le point de savoir si la constitutionnalisation du droit à l’IVG apporte une plus-value à la situation actuelle qui est celle d’une reconnaissance constitutionnelle du droit à l’IVG par le juge. Autrement dit, à quoi bon réviser la Constitution pour inscrire ce droit dans une disposition textuelle alors qu’il est reconnu par le juge constitutionnel comme ayant déjà une valeur constitutionnelle ?
Stéphanie Hennette-Vauchez répond dans son billet à une telle objection en faisant observer qu’une telle jurisprudence n’est jamais à l’abri d’un revirement, comme le montre trop bien le cas des États-Unis avec l’arrêt Dobbs. Cela supposerait d’envisager l’hypothèse selon laquelle en France le Conseil constitutionnel changerait un jour ou l’autre de politique jurisprudentielle à ce propos. C’est peu probable dans l’immédiat, mais on ne peut évidemment pas l’exclure à long terme. Cela dit, en sens inverse, on peut aussi observer qu’un droit à l’IVG figurant dans la constitution n’est pas à l’abri d’une révision constitutionnelle.
Si la comparaison avec les États-Unis pouvait ici être utile, ce serait justement en vue de montrer le rôle nettement plus important de la Cour suprême qui tranche des questions de société car les États-Unis sont un État fédéral dans lequel le Congrès est incapable de légiférer sur les questions politiques clivantes. De même qu’il n’a pu abolir l’esclavage au XIXe siècle, il n’a pas pu dépénaliser l’avortement au XXe siècle. L’impuissance du législateur explique aux États-Unis la puissance du juge. Ainsi, la Cour suprême a été forcée d’assumer le rôle difficile et ingrat de régler elle-même cette question de société, une fois dans le sens de l’acceptation du droit à l’avortement (l’arrêt Roe v. Wade) et une seconde fois, près de cinquante ans plus tard, dans un sens inverse (arrêt Dobbs). Ce mouvement de balancier est dû uniquement à la modification très politique de la composition de la Cour, comme chacun sait.
La France est dans une situation très différente, quoi qu’on en dise. C’est un État dans lequel le législateur — au sens très particulier de la Ve…— est encore en mesure de trancher des questions de société, comme le prouve à l’envi la loi de 1975. Par conséquent, dans notre système politico-juridique, le Conseil constitutionnel, en tant que juge constitutionnel, n’a pas du tout le même rôle que celui de la Cour suprême, même après l’introduction de la QPC. Dans le cas qui nous intéresse, il a plutôt accompagné le mouvement législatif en constitutionnalisant le droit à l’IVG et on le voit mal revenir prochainement sur sa jurisprudence.
Bref, tout semble indiquer qu’en France, la question de l’inscription du droit de l’IVG dans la Constitution n’a qu’une portée symbolique. Aux yeux d’un juriste, n’est-ce pas alors « Much ado about nothing (Beaucoup de bruit pour rien) » ?
[1] La version quasi-finale de ce billet a été lue et commentée par Denis Baranger et par Samy Benzina que nous remercions vivement pour leurs remarques constructives.
[2] « Raisons et déraison dans l’interprétation de la Constitution » Billet du 14 mars 2023, blog de Jus politicum
[3] « Pour une interprétation raisonnable de la disposition votée par le Sénat sur la constitutionnalisation du droit à l’IVG », Billet du 18 fév. 2023.
[4] Ce refus justifie d’ailleurs la création de ce blog car certains constitutionnalistes étaient un peu lassés de voir que les discussions de droit constitutionnel étaient souvent, pas toujours, rejetées par la grande presse.
[5] Curieusement, Stéphanie Hennette-Vauchez ne s’émeut pas de ce qui me choque : le fait de placer le droit à l’IVG dans l’article 34.
[6] Voir notamment O Jouanjan, « une interprétation de la théorie réaliste de Michel Troper, Droits . UNE ??« Droits ». n° 37 (2003/1) pp. 31 et suiv. et, plus récemment, D. Baranger, La Constitution, (Sources, interprétation, raisonnements), Paris, Dalloz, 2022, n° 27, n° 49 ( surtout p.73) et n° 7 !.
[7] Le « on » a une explication car nous devons cette remarque à Denis Baranger.
[8] On notera en passant qu’on a pu aussi soutenir qu’« il y a déjà, aujourd’hui, une protection constitutionnelle du recours à l’IVG à travers la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et la proposition du Sénat la renforce en quelque sorte puisqu’elle la consacre noir sur blanc. » A. Levade, dans un entretien au Monde : « IVG dans la Constitution : « liberté » ou « droit », qu’est-ce que cela peut changer ? » Le Monde du 2 fév. 2023.
Crédit photo : Delaney Van